XVIIIe siècle
Dans la continuité de ses travaux sur la polémique (Polémique en tous genres, Cahiers du CADGES, n) 7), le Groupe d’Analyse de la Dynamique des Genres et des Styles (XVIe-XVIIIe siècles) propose ici une nouvelle approche centrée cette fois sur la constitution, l’holution et le statut des querelles littéraires, dans leurs rapports avec les formes génériques, qui peuvent être le lieu d’épanouissement, mais aussi l’enjeu des querelles, Celles-ci portent parfois sur des genres en quête de reconnaissance ou en cours d’évolution, Ainsi la « querelle d’Alceste»), à la fin du XVIIe siècle, ne vise-t-elle rien moins que le statut littéraire de l’opéra, et en arrière-plan, mais de manière essentielle, la nature de la tragédie, tout comme deux cents ans plus tard, le conflit politique et religieux qui oppose Ronsard aux protestants se double d’un débat littéraire qui modifie significativement son écriture et la conception même qu’il se fait de la poésie. Aborder les querelles par les genres dont elles se nourrissent et qu’elles façonnent est bien une question qu’affrontent toutes les communications ici rassemblées : comment le contexte éditorial, le public, le déroulement chronologique de la querelle, induisent-il le recours à tel ou tel genre littéraire? Certaines, quand l’objet s’y prête, vont cependant plus loin et permettent de formuler l’hypothèse que les querelles littéraires pourraient elles-mémes se constituer comme genre ou comme institution. C’est sans doute sur ce point que la réflexion est particulièrement féconde, A quelles conditions une querelle littéraire peut-elle en effet se statufier en genre littéraire? Objet vivant et insaisissable, que l’on identifie comme tel alors qu’il est déjà largement répandu dans la République des Lettres, les querelles ne risquent-t-elle pas alors, en s’accommodant d’un corpus génériquement stable, de mettre en péril leur existence même ? Car la querelle est par définition frondeuse, ou si l’on préfère polèmique, non seulement dans son objet mais dans son existence méme, surtout lorsqu’elle est elle-méme une imposture, comme chez Jean de Boyssiéres. Le traitement des genres littéraires dans une querelle peut tantôt les bousculer, tantôt les renforcer. On le verra ici largement à travers des querelles célèbres ou moins célèbres, qui toutes, même si certaines d’entre elles restituent, en filigrane, d’autres enjeux, en particuliers politiques, nous plongent au coeur même de l’institution et de la vie littéraires.
Le jésuite Claude-François Menestrier est indubitablement le théoricien de l’image symbolique et du spectacle le plus important et le plus prolifique du XVIIe siècle. Ses écrits abordent des sujets aussi divers que le ballet ancien et la musique, l’héraldique ou l’emblématique. Menestrier invente et organise avec talent des festivités à la symbolique forte, tant religieuses que laïques, dans sa ville natale de Lyon ainsi qu’à Paris, Annecy, Chambéry et Grenoble. Ses publications incluent aussi bien des comptes rendus de ces festivités que des traités, par exemple, sur le bon usage des feux d’artifice ou sur l’utilisation d’une décoration symbolique lors d’une cérémonie funéraire. Historien féru d’archéologie, il compose quelques travaux sur l’histoire de Lyon et une importante histoire numismatique du règne de Louis XIV. D’autres courts traités sur les momies égyptiennes, les comètes ou les médailles antiques reflètent la largeur d’intérêt d’un homme de lettres cultivé du XVIIe siècle. Les quelque cinq cents œuvres de Menestrier, couvrant un demi-siècle (de 1655 à 1705), illustrent l’importante contribution du jésuite à l’histoire artistique et culturelle de la France.
La présente bibliographie décrit plus de deux cent cinquante éditions d’ouvrages rédigés par Menestrier, ou qui lui sont attribués, publiées entre 1655 et 1765.
LES MUSÉES DU PROTESTANTISME
Marianne CARBONNIER-BURKARD et Patrick CABANEL, « Introduction » ;
De la spiritualité et de la mémoire au musée
Olivier ABEL, « Spiritualités et musées » ;
Patrick CABANEL, « Les protestants français et le ‘‘désir de musée’’ » ;
Daniel TRAVIER, « Les Cévennes, lieux de mémoire, XIXe-XXe siècles » ;
D’un musée l’autre
Gabrielle CADIER-REY, « Les musées du protestantisme en France » ;
Alain BOYER, « Les musées du protestantisme en France: aspects juridiques » ;
Marianne CARBONNIER-BURKARD, « Le Musée du Désert: un centenaire » ;
Benjamin FINDINIER, « Le Musée Jean Calvin de Noyon » ;
À Genève et dans les pays du Refuge
Isabelle GRAESSLÉ, « Le Musée international de la Réforme ou le patrimoine immatériel revisité » ;
Susanne LACHENICHT, « Musées huguenots et lieux de mémoire en Allemagne et dans les Îles britanniques » ;
Bertrand VAN RUYMBEKE, « Lieux de mémoire et musées huguenots aux États-Unis et en Afrique du Sud » ;
Conclusion
Philippe JOUTARD, « Identité huguenote, mémoire et histoire, une articulation de longue durée ».
L’épisode d’Endor (I Samuel/Rois, 28), où une pythonisse invoque à la demande du roi Saül le fantôme du prophète Samuel, est le seul cas, dans tout l’Ancien Testament, de recherche de contact entre un vivant et un mort. Parce qu’il avait une importance capitale pour confirmer ou récuser l’apparition vraie, ce court récit a suscité des débats qui n’ont cessé de s’amplifier au fil des siècles. C’est l’histoire de ces interprétations que François Lecercle entend suivre, notamment entre les XVIe et XVIIIe siècles quand les enjeux se révèlent cruciaux pour la spéculation théologique, le sens donné à l’épisode d’Endor glissant de la communication avec les morts à l’immortalité de l’âme, aux agissements du diable, au statut des prodiges et à l’existence de Dieu. Il s’agit aussi de dégager les facteurs qui déterminent les options herméneutiques : aléas biographiques, crispations confessionnelles, logique discursive, voire identité professionnelle. Car la pythonisse change de visage selon qu’elle vaticine sous la plume ou le pinceau d’inquisiteurs, de médecins, d’exorcistes, de magistrats, d’un roi démonologue, d’un tailleur inspiré, d’un abbé ventriloque, d’apprentis peintres ou d’un entrepreneur de spectacles.
Un livre se définit d’abord comme un objet, que détermine sa matérialité et qui se trouve tributaire des conditions techniques de sa production. La diffusion des idées étant indissociable de leur support matériel, l’histoire du livre, qui engage de multiples savoirs, intègre les recherches sur l’objet manufacturé : ce domaine d’investigation suppose une méthode et des connaissances particulières. Ainsi l’étude du vêtement des textes relève-t-elle d’une véritable archéologie conçue comme une enquête méthodique requérant des instruments de travail spécifiques et visant à récolter les indices révélateurs d’une chronologie, d’un contexte, d’enjeux éditoriaux. C’est à cette archéologie du livre qu’Alain Riffaud initie ses lecteurs. Étudiant en particulier l’époque de la presse à bras, il concentre ses exemples sur le livre français moderne, déterminant un corpus cohérent qui se révèle adéquat pour éprouver la méthodologie, sans empêcher d’être étendu aux premiers siècles de l’imprimerie, du XVe au XVIIIe siècle.
Le Dictionnaire des gens de couleur porte sur une population qui, à ce jour, n’a été abordée que par la question de la traite négrière. Or, c’est quelque 15 000 hommes et femmes qui, entre les Grandes Découvertes et la Révolution, ont été amenés dans le royaume pour servir les élites aristocratiques et marchandes.
Présentées par régions, les 3087 notices du présent volume, qui porte sur Paris et son bassin, sont le fruit de recherches méticuleusement menées dans les fonds d'archives nationales - anciennes colonies, Amirauté de France – ainsi que dans les fonds des grandes villes portuaires comme Le Havre, Nantes et Bordeaux - registres d’armement et de désarmement des navires, registres paroissiaux.
Au-delà de l'inventaire, le Dictionnaire des gens de couleur retrace l'histoire d'une partie de la société à travers les itinéraires, les passages des capitaines négriers aux propriétaires citadins, l’insertion par le biais du mariage ou encore des destinés exceptionnelles– celles d’un chevalier de Saint-Georges ou d’un général Dumas, qui ont à la faveur de talents reconnus pu atteindre la notoriété.
De Ben Jonson à Patrick Chamoiseau, en passant par le marquis de Sade et Augusto Roa Bastos, nombreux sont les écrivains qui ont orné leurs textes de notes marginales. Depuis la Renaissance, romanciers, dramaturges, quelques poètes ont fait de l’annotation un dispositif stratégique censé afficher une orthodoxie – réelle ou feinte –, contrôler la réception du texte, voire marquer une dissidence à l’égard des discours dominants. Mais les enjeux de cette « prose notulaire » (Jean-Paul Richter) où s’objectivent à la fois un rapport à la tradition et une position idéologique, varient sensiblement du drame baroque allemand (Gryphius, Lohenstein) à la satire de l’érudition chère à Swift, de la fiction historique du XIXe siècle (Scott, Vigny) aux romans d’avant-garde comme House of leaves de Marc Danielewski.
Pour la première fois, les différents modèles de l’annotation littéraire, leurs filiations et leurs discontinuités, font l’objet d’une vaste enquête comparatiste qui en analyse la prolifération entre le XVIIe et le début du XIXe siècle, puis l’obsolescence et, enfin, la palingénésie contemporaine. La démarche adoptée par Andréas Pfersmann associe constamment les conditions historiques de production des oeuvres et les problèmes théoriques sous-jacents tels que le statut de la fiction. Il en ressort que les marges de la page imprimée apparaissent comme un lieu éminemment politique où la « fonction auteur » (Foucault) ne cesse d’être redéfinie, dans ses rapports complexes avec le texte, le champ littéraire, le public et l’infléchissement de la lecture.